Sommeil et surcharge pondérale : un cercle vicieux
30-11-2023
Une attention toute particulière portée au sommeil des participants
Un des principaux enjeux de l’étude SCOOP-RNPC est d’évaluer les bénéfices de la perte de poids sur tous les aspects du sommeil à savoir, d’une part, l’amélioration de la quantité, de la qualité et de l’architecture du sommeil, et, d’autre part, la réduction voire la résolution de troubles pathologiques comme le syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS) et ses comorbidités (hypertension, troubles du rythme cardiaque, diabète de type 2, maladie du foie gras…).
Pour répondre à ces objectifs, il nous a semblé essentiel d’explorer de façon exhaustive cet aspect du mode de vie des patients en surcharge pondérale inclus dans l’étude SCOOP-RNPC.
C’est la raison pour laquelle ces derniers sont invités à répondre aux questionnaires suivants : l’Échelle de Somnolence d'Epworth [1], l’Index de Qualité du Sommeil de Pittsburgh [2], l’Index de Sévérité de l'Insomnie [3] et le questionnaire de détermination du chronotype de sommeil [4]. Scientifiquement validés et largement utilisés par la communauté scientifique et médicale, ces quatre questionnaires permettront d’établir le profil de chaque patient sur l’aspect sommeil, aussi bien d’un point de vue quantitatif que qualitatif, ainsi que les répercussions d’un éventuel manque de sommeil ou d’un sommeil de mauvaise qualité sur son état général.
Par ailleurs, certains participants de l’étude, inclus dans une douzaine de centres investigateurs, seront invités à utiliser le dispositif développé par l’entreprise Sunrise, permettant une évaluation complète du sommeil et le dépistage du SAOS [https://hellosunrise.com].
Rappelons que l’investigateur principal de l’étude SCOOP-RNPC, le Professeur Jean-Louis Pépin, dirige le Service d’exploration du sommeil et pathologies respiratoires au CHU Grenoble Alpes, et est également un expert mondialement reconnu pour ses recherches sur le SAOS. Son expérience et sa profonde connaissance de la physiologie et de la physiopathologie du sommeil nous seront extrêmement précieuses pour l’interprétation des résultats issus de cette recherche.
Mais quels sont les liens entre sommeil et poids, et comment la perte de poids pourrait-elle résoudre les troubles du sommeil ?
Mauvais sommeil et prise de poids sont indéniablement liés
D’après de nombreuses études expérimentales et essais cliniques, une privation de sommeil, même datant de quelques jours seulement, entraîne une modification importante des sécrétions hormonales, et notamment d’hormones étroitement associées à la régulation de la faim, de la satiété, et du métabolisme (dépense et stockage) énergétique (Découvrez l’article RNPC et cliquez ici)
Vous avez peut-être déjà entendu leur nom : il s’agit de la ghréline, de la leptine, du cortisol et de l’insuline.
La ghréline et la leptine ont des effets opposés. La première, produite et sécrétée par l’estomac, est dite orexigène, c’est-à-dire qu’elle régule la faim en stimulant l’appétit ; la seconde, produite et sécrétée par le tissu adipeux, est appelée « hormone de la satiété » car réduit la sensation de faim. En cas de manque de sommeil, la production de ghréline par l’organisme a tendance à augmenter, et celle de leptine à diminuer, avec pour conséquence une consommation de nourriture plus importante sans pour autant être rassasié.
En parallèle, le manque de sommeil entraine une libération accrue de cortisol, par les glandes surrénales. Également appelée « hormone du stress », le cortisol a pour effet d’augmenter l’appétit, notamment pour les produits sucrés, et de favoriser le développement d’une résistance à l’insuline. Pour compenser une réponse moindre de l’organisme à l’insuline, le pancréas doit produire davantage de cette hormone. Or, un des effets de l’insuline est de favoriser le stockage des graisses dans les cellules adipeuses.
En conclusion, avec le manque de sommeil, les apports caloriques (surtout gras et sucrés) augmentent, et cette énergie excédentaire est préférentiellement transformée en graisses de réserve. On peut aisément imaginer l’effet global sur la balance !
Sans compter que la fatigue induite par un mauvais sommeil nous incite instinctivement à rechercher de l’énergie dans la nourriture, notamment riche et sucrée, et à limiter l’activité physique.
Surcharge pondérale et pathologies liées au sommeil
Le surpoids et l’obésité peuvent causer des troubles du sommeil tels que l’insomnie, les ronflements, ou encore le SAOS avec ses pauses respiratoires accompagnées de microéveils nocturnes. Ce dernier est de loin le plus problématique et le plus dangereux sur le long terme. En effet, non seulement la qualité de vie générale en pâtit, mais il s’accompagne de pathologies chroniques et évolutives à l’issue parfois dramatique, comme la survenue d’un infarctus du myocarde ou d’un accident vasculaire cérébral.
La perte de poids, LA solution pour traiter efficacement le SAOS
Chez toutes les personnes atteintes de SAOS, quelle qu’en soit la sévérité, l’application stricte de règles hygiénodiététiques visant la perte de poids est au cœur de la prise en charge.
Une étude suédoise, réalisée sur 63 hommes en surpoids ou obèse et atteints d’un SAOS modéré ou sévère traité par ventilation en pression positive continue (assistance respiratoire nocturne), a largement démontré l’intérêt de la perte de poids dans la prise en charge de cette pathologie [5]. Les participants à cette étude ont suivi un programme alimentaire en deux phases (dont la première consistait à ne consommer que 550 kcal/jour au lieu des 2000 recommandées en moyenne pour un homme, sur une période de 7 semaines) et ont régulièrement pratiqué une activité physique. Un an après, les 44 participants ayant complété l’étude avaient perdu en moyenne 12 kg et leur nombre d’apnées nocturnes avait diminué de 47 %. Plus édifiant : 30 d’entre eux ne nécessitaient plus de ventilation en pression positive continue et 6 montraient une totale rémission de leur SAOS.
En conclusion, surcharge pondérale, troubles du sommeil et SAOS ne sont pas une fatalité. Avec l’application stricte de règles hygiéno-diététiques ciblées et une perte de poids conséquente, vous pouvez casser ce cercle vicieux !
Références :
- Johns MW. A new method for measuring daytime sleepiness: the Epworth sleepiness scale. Sleep 1991;14(6):540-5
- Buysse DJ, et al. The Pittsburgh Sleep Quality Index: a new instrument for psychiatric practice and research. Psychiatry Res 1989;28(2):193-213
- Bastien CH, et al. Validation of the Insomnia Severity Index as an outcome measure for insomnia research. Sleep Med 2001;2(4):297-307
- Terman M, Terman JS. Light therapy for seasonal and nonseasonal depression: efficacy, protocol, safety, and side effects. CNS Spectr 2005;10(8):647-63
- Johansson K, et al. Longer term effects of very low energy diet on obstructive sleep apnoea in cohort derived from randomised controlled trial: prospective observational follow-up study. BMJ 2011;342:d3017